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Stalker

A propos de ...

Stalker, Planisfero Roma 1995/1998, 1998
Reproduction photomécanique, impression sur polyester, plexiglas, panneau suspendu,
90 x 90 cm, Collection du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur

Centre Culturel Jean-Cocteau · Stalker - Planisfero Roma, 1995-1998

Stalker est plus qu’un collectif d’architectes. C’est une pratique collective, une action vivante qui se déploie avec les gens et les lieux, et construit une relation créative avec son environnement. L'activité de Stalker est devenue un instrument de relation avec l'histoire, la mythologie et l'écologie de notre ville de Rome.

Planisfero Roma 1995-1998 est la restitution cartographique d'une expérience. Il s’agit du parcours à pied que nous avons fait en octobre 1995 pendant quatre jours dans les quartiers désaffectés de Rome, en dormant sous la tente. Nous avons traversé des espaces vides, terrains vagues, des espaces du possible. Le protocole, s’il y en avait eu un, était de ne jamais quitter la ville sans pour autant entrer dans la ville telle qu'elle est connue. Nous avions le désir de rester dans ces plis que nous appelions les “territoires actuels” : un monde autre, en lisière urbaine, où l’on revient à la pratique de l'exploration, de l’écoute, où l’on retisse des liens entre des éléments apparemment désorganisés tels que des élém- énts naturels, des ruines industrielles, des zones agricoles, des zones isolées par les infrastructures. Un monde incohérent et émergent au sein duquel nous étions convaincus qu'il y avait des indices d'un futur possible pour l'humanité, pour sortir de la contemporanéité comme manque de relations entre les personnes et les lieux. 

Le rapport avec ses habitants a été un élément fondamental dans cette expérience et a commencé dès le début de la traversée. Le jour-même où nous avons présenté le projet dans la gare d’Ostiense, construite en 1990 et déjà abandonnée, nous avions trouvé des centaines de personnes qui dormaient, des Afghans, des Kurdes, beaucoup de mineurs, dans le sous-sol d'un entrepôt de bagages. La clandestinité de l'étranger se confronte à son rôle dans l'entretien des espaces abandonnés, tous ces potagers et jardins qui tentent de rendre moins inhospitaliers ces marges urbaines. Ce sont des éléments fondamentaux pour faire face à la transition vers laquelle nous nous dirigeons et qui ont marqué profondément nos parcours individuels et collectifs.

Tout cela s'exprime dans une cartographie dont le planisphère est la dernière et peut-être la plus simple représentation. Comment représenter un territoire qui échappe au contrôle et à la mesure ? Comment le représenter sans vouloir le dessiner pour le dominer ? La cartographie n’était pas faite pour mesurer mais pour transcrire symboliquement une nouvelle dimension qui entoure, pénètre, traverse la ville et permet de l'habiter par une pratique nomade. Sur le planisphère, la couleur jaune représente la ville du quotidien et la ville bâtie. La couleur bleue représente la ville “inconsciente” et non bâtie, l’océan des territoires vides sur lesquels flottent les îlots urbains. La ligne blanche pointillée montre le parcours de Stalker pendant les quatre jours de notre “transurbance” collective. 

Cette dimension est transcrite dans une forme dont les trajectoires et les noms restaient à trouver, pour figurer un paysage à vivre ensemble face aux crises sociale et environnementale. Ce que ce travail résume, c'est l'idée que Rome est une ville-monde. Rome est un monde parce qu'elle sait accueillir des réfugiés, des étrangers dans les ruines d'un passé glorieux réapproprié par la nature. Les ruines, les étrangers et la nature sont une trilogie fondamentale pour qu’une ville soit éternelle. Depuis des millénaires, Rome est un espace de passage, des errances chrétiennes au grand tour de l'intelligentsia européenne. Nous étions toujours à la recherche d'une relation entre le présent et le passé, d’une  intemporalité qui nous permettrait d'imaginer un sens alternatif de la ville occidentale, mais aussi de la science et des instruments d'investigation de la réalité.