Un site de la Ville des Lilas

Yona Friedman, Petit guide pour extra-terrestres, Slide-show 16, s.d. (zine)

 
Yona Friedman, Petit guide pour extra-terrestres (Slide Show 16), s.d.
Photographies Jean-Baptiste Decavèle
Courtesy Fonds de Dotation Denis et Yona Friedman © Adagp, Paris, 2022


Propos de Marianne Friedman-Polonski

Avant toute chose, il est important de comprendre que les slide shows ne sont pas une œuvre d’art mais un outil de transmission du savoir. Ces dessins de mon père ont toujours été des manuels de communication basés sur l’idée qu’une image vaut mille mots. Un dessin transmet un message très simplement et illustre une phrase elle aussi très simple. Ce n’est pas une bande dessinée, mais c’est un peu la même idée.

Mon père était architecte. Il a vécu dans des camps de réfugiés après la Seconde Guerre mondiale, dans des tentes ni adaptées, ni adaptables à leurs besoins. Il a réalisé que l’architecture était fixe et inflexible alors qu’il souhaitait mettre au centre le pouvoir de décision de l’utilisateur. Il a donc développé ces manuels pour transmettre le savoir architectural à tou.tes avec un système d’écriture qui s’appelait « l’auto-planification ». Où placer un mur, comment décider où placer les choses... Il est l’un des premiers à avoir considéré l’élément social de l’architecture en essayant d’en adapter les techniques, en inventant tout d’abord l’architecture mobile dont il a énoncé les principes dans son manifeste publié en 1958, et qui était centré sur l’utilisateur ainsi que sur l’impact de l’architecture sur la nature avec le principe de « low ground impact » (faible impact au sol), déjà dans un but écologique. L’environnement était en effet l’un des sujets qui le passionnait, au même titre que les conditions sociales humaines, la sociologie... Très tôt, dès 1973, il a commencé à écrire des manuels de communication sur comment lutter contre le changement climatique en réfléchissant notamment à l’impact de l’architecture sur l’environnement. Il était connu dans le domaine de la futurologie du climat. Suite à son invitation par les Nations Unies à la première Conférence de l’habitat en 1976 à Vancouver, il a été chargé de développer des manuels sur des thèmes importants qui ont besoin d’être communiqués pour le public en général. Ces images et ces phrases toutes simples sont faciles à produire, faciles à reproduire et faciles également à traduire. L’idée des manuels était aussi de faire des posters : c’est pour cela qu’il les a plus tard appelés Slide Shows.

Pour diffuser ces manuels, le principe était la Xerox, méthode « maison » qu’il a utilisée dès les années 1970. On n’avait pas de sous donc on faisait tout nous- mêmes : ma mère corrigeait le français et on allait le xeroxer à l’UNESCO, qui était juste à côté de notre maison. On faisait des centaines de photocopies qu’on agrafait nous-mêmes. C’était très simple et artisanal et c’est comme ça que ça se transmettait. Le dessin, le texte, la technique. Une copie était envoyée aux personnes intéressées qui faisaient alors elles-mêmes des photocopies pour la diffusion, complètement dans l’idée d’un « grass root mouvement ». Avec le développement du numérique, on s’est adapté aux technologies en réalisant des vidéos, beaucoup moins coûteuses à l’environnement et aussi faciles à partager. Les manuels sont un début d’idée qu’on peut continuer dans une discussion. Le principe était de faire réfléchir.