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Audioguide - Zoé Bernardi

Centre Culturel Jean-Cocteau · 5. Zoé Bernardi
 
Zoé Bernardi, Série Tondue, impressions jet d’encre contrecollées sur dibond
Alex I, 2022, 60 x 79 cm
Camille I, 2022, 60 x 60 cm
Camille II, 2022, 60 x 60 cm
Alex II, 2022, 60 X 79 cm

Tondue, 2022
Vidéo : 10’23”
Courtesy de l’artiste

Cette série part d’un élément autobiographique : j’ai demandé à mon père de me tondre les cheveux.  J’ai filmé ce geste sans trop savoir quelle allait en être la portée même si je pressentais que cela serait important. J’ai ensuite narré cette expérience dans un texte pour garder trace d'une subjectivité. La tonte implique de laisser derrière  soi  une  partie de  son  identité,  contenue  symboliquement dans les cheveux. Les cheveux m’intéressent parce qu’ils ont une charge iconographique, ornementale ou sociale très forte. Ils peuvent être un levier de pouvoir, notamment par la tonte qui convoque beaucoup d’images dures et violentes. La première est celle des femmes tondues punies  pour  avoir  eu  des relations avec l’ennemi. Dans la vidéo, le fait que la scène se passe dans la sphère familiale crée un décalage surprenant et salvateur. La dureté de l’acte est contrebalancée par la tendresse des gestes de mon  père.  Nous  avons  redirigé ce rituel vers un horizon libératoire où le geste devient un potentiel de puissance et d’énergie.

J’ai continué à m’interroger sur la portée de ce geste. J’ai décidé de changer de rôle et je suis devenue tondeuse avec quelques  personnes  bien  choisies  parce qu’il faut que la situation  permette  à  la  tendresse  d’advenir  et  que  le  geste puisse catalyser cette tendresse. J’ai donc choisi des personnes qui étaient consentantes comme Camille ou Alexandre. Dans l’un des deux portraits de Camille, on voit une petite touffe de cheveux qui rend compte du désordre assez jubilatoire qui subsiste après la tonte. On laisse des bouts de soi, comme une peau, comme si on muait. C’est un peu comme des ruines…identitaires. 

Pour Alexandre, qui est un ami, la portée du cheveu n’était pas anodine. Nous nous sommes rendus compte après la tonte que cela découvrait sa prothèse auditive. La tonte rendait donc visible un handicap mais elle révélait également de nouvelles formes et matières sur son visage. Après chaque tonte une nouvelle visagéité s’offrait à nous. 

C’est dans la prise en charge de l’autre que je trouve du sens à ce que je fais et cela passe par des questions de consentement et de consensualité. La tonte m’a ouvert tout un nouveau réservoir de gestes pour prendre soin et contrecarrer un geste lourd émotionnellement. Mon travail est interconnecté entre forme plastique et care (le prendre soin), je cherche un juste milieu. Chaque manière de capter l’autre (par la vidéo, le son, le dessin…) m’amène à de nouveaux gestes de soin. C’est célébrer l’autre tout en avouant son impuissance à le faire au-delà d’un moment très réduit.