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Audioguide - Xavier Dartayre

Centre Culturel Jean-Cocteau · Xavier Dartayre, Rien sans amour, 2023

En réfléchissant à mon intervention pour cette exposition, j’ai rapidement décidé de rassembler une multitude d’éléments – comme c’est le cas dans ma propre chambre. L’objectif pour moi n’est pas de présenter des pièces « uniques » ou « individuelles » mais de les mettre en relation ainsi que de créer un environnement qui pourrait déployer ses propres signes et histoires. J’aime l’idée qu’il y ait des choses très petites et d’autres plus grandes. En soit, qu’il y ait différents niveaux de lectures mais également différentes sensibilités qui se mélangent et qui permettent ainsi de créer une multiplicité d’entrées.

L’espace d’exposition est toujours un espace à aménager temporairement. Je pose des objets par-ci, par-là, et je préfère investir les coins ou les recoins. La plupart du temps, je fonctionne par zones ou îlots dans lesquels je cherche à créer des histoires à l’intérieur de ces derniers mais aussi entre eux. J’aime que les éléments que je convoque aient différents statuts, qu’ils se complètent, de détournent, s’additionnent... Dans mon travail je crois qu’il y a des choses très formelles et autonomes qui peuvent parler à beaucoup de personnes. Mais il y a aussi beaucoup d’amour et donc pas mal d'affects, de liens subjectifs que je partage avec des proches, de sens cachés que je garde pour moi – en bref, des secrets ou du moins des choses qui ne sont pas forcément tangibles... Je pose seulement des signes en espérant qu’ils dépasseront ma propre échelle et pourront résonner avec d’autres. C’est le cas par exemple avec les petits objets et bijoux qui complètent mon installation. Chacun d’entre eux à un sens particulier pour moi car ils sont liés à une personne, un lieu et/ou un souvenir. Dans le même temps, ils convoquent des symboles qui peuvent, la plupart du temps, parler à toustes : des étoiles, des cœurs, des fleurs, des papillons, etc.

D’une manière générale, je pars d’éléments qui ont déjà vécu, qui ont eu une vie avant moi. Ce sont des choses qu’on m’offre, que je trouve dans la rue, que je cherche dans des brocantes, dans des magasins ou que j’achète à des particuliers sur internet. Quand ils tiennent dans le creux d’une main, ces éléments se déplacent facilement et peuvent autant devenir autonomes que se lier ensemble. Je peux aussi les perdre, les oublier, les tacher, les plier, les tordre, les casser, les fusionner, etc. Il y a quelque chose de friable, de matériellement fragile qui me plait beaucoup et les ramène à un caractère vivant.

Puisque je me retrouve à parler de vivant, je me dois de mentionner mon rapport à l’image. Je crois qu’il est nécessaire de dire que mes photographies s’inscrivent toujours comme des images autobiographiques et qu’elles me permettent alors de me rappeler des moments ainsi que de retrouver des sensations que j’ai vécues – y compris de faits qui ne sont pas visibles. Pour moi, les photographies fonctionnent d’abord comme des marqueurs temporels. Ce sont des ouvertures, des brèches que je prends grand plaisir à montrer et entendre par tous les moyens qui s’offrent à moi (transferts, agrandissements, encadrements par exemple). C’est ainsi que la vie devient matière et que les images deviennent à mon sens des environnements à explorer et lier entre eux.

Et pour revenir au sujet de l’amour et des relations, je dirais que pour moi les images sont comme des sentiments et qu’elles ne meurent jamais pleinement... Malgré qu’elles se déplacent, se transfèrent, se copient, s’effacent, se cachent, se cadenassent, elles ont toujours de la vie en elles et d’une certaine manière elles me permettent toujours de revenir à la vie.