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Audioguide - Queer Code

Centre Culturel Jean-Cocteau · Isabelle S.D. Sentis du Collectif Queer Code

L’artiste et écrivain·e Claude Cahun fait partie de ma famille choisie. En tant que lesbienne de genre fluide, performeur·se et rebelle à l’hétéropatriarcat, i·elle a été présente à mes côtés à différents moments de ma vie. Comme par exemple, lors de mes premières mobilisations, il y a 30 ans, pour faire connaître l’histoire des lesbiennes qui ont résisté face au nazisme, ou encore il y a 20 ans, lors de mes premiers ateliers de Drag King.

Il y a 8 ans, i·elle a été particulièrement à mes côtés lorsque je me suis retrouvée clouée dans une chambre d’hôpital après un accident qui a fait voler en éclat ma motricité.

J’avais vu l’exposition qui lui était consacrée en 2011 au Jeu de Paume à Paris. La rencontre avec les tirages de leurs œuvres communes avec sa compagne Marcel Moore m’avait marqué·e. Alors, la perspective d’aller à Nantes, leur ville avec Marcel Moore, pour voir l’exposition « Claude Cahun et ses doubles », découvrir leurs tracts réalisés à Jersey pour inciter les soldats allemands à déserter, devint une ligne d’horizon imaginée, espérée, rêvée depuis ma chambre lors de ces longs mois de convalescence où je devais rester allongé·e. L’objectif de réapprendre à marcher, soutenue par ma compagne, avec l’aide de béquilles dans les parcs de Nantes, devint un moteur puissant, alimentant mon désir de vivre bien malmené par les douleurs quotidiennes et mes angoisses liées à l’incertitude de retrouver une motricité.

En attendant Nantes, Claude Cahun et Marcel Moore, pour animer ces longues journées immobilisé·e dans ma chambre, mes ami·es m’invitèrent à ouvrir une fenêtre numérique me permettant d’aller à Jersey, Rennes, Nantes et où des lesbiennes avaient résisté face au nazisme. L’accident avait percuté l’agenda de nos mobilisations, de nos ateliers, de nos expositions dédié à leurs parcours. Nous créâmes Queer Code ! Un site coopératif rendant visibles les parcours, les traces de ces résistantes lesbiennes. Le nom fait référence aux codes des résistantes, aux codes des langages amoureux des lesbiennes, aux codes craqués par Alan Turing et son équipe et aux QR codes. En flashant notre autocollant, on se retrouve sur notre site.

En  tant que personne minorisée, documenter nos actions, archiver nos mobilisations, créer une trace de nos amours, est un acte politique fort et indispensable. Alors, comme le proposent les militantes lesbiennes américaines et d’autres, comme mes ami·es  de « La boite sous le lit, Archives et Marges » du Girofard Centre LGBTQI de Bordeaux, ayons chacun.e notre boite sous le lit avec nos archives.

Dans celle-ci, il y a des photos des ateliers menés par notre collectif Queer Code en 2019 à la bibliothèque municipale de Nantes et au NOSIG Centre LGBTQ de Nantes, puis en 2020 lors des Journées du Matrimoine où nous avons été invitées à présenter notre cartographie numérique dédiée à CC et MM réalisée avec l’aide de militant·es lesbiennes et queers nantais·es, le programme de ces journées du matrimoine, le dossier avec des photocopies de photos, de collages de CC et MM que nous avions préparé pour les participant.e.x à notre atelier « à la manière de Claude Cahun », un collage pas fini, un zine, le catalogue de l’exposition « Claude Cahun et ses doubles »… la carte postale du portrait de CC que je présente lors de mes ateliers Drag King.

Depuis ma chambre, je me rends régulièrement à Jersey, Nantes, Paris via internet, les collages et les livres. Quand les douleurs chroniques de ma jambe sont trop fortes, je repense au jardin botanique de Nantes, mon parc préféré de cette ville et à CC et MM dans leur chambre défiant l’hétérocispatriarcat. Et alors je ne subis plus ma chambre, elle devint jardin face à l’Atlantique comme celui de Claude Cahun et Marcel Moore à Jersey.