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NEIGE, Exposition d'artistes nordiques

C’est un paysage à couper le souffle. Brut et sauvage, laissant errer le regard d’un amas de roches brunes aux failles creusées depuis des millénaires par le lent écoulement de l’eau. Un manteau blanc recouvre tout. C’est dans ce sanctuaire naturel que l’artiste Pétur Thomsen a choisi de s’installer à intervalles réguliers, de 2003 à 2007, pour photographier la construction d’un barrage monumental concédé par les pouvoirs publics islandais. La neige dissimule les plaies béantes creusées par l’homme et opère un renversement de sens : le paysage islandais, vénéré par les peintres pour sa beauté vertigineuse et pittoresque, porte aujourd’hui la trace d’une exploitation fondamentalement destructrice de l’environnement.

Neige : c’est à partir de ce motif, aisément relié dans l’imaginaire continental aux pays scandinaves, que le centre culturel Jean-Cocteau organise aux côtés de l’historienne de l’art Ásdís Ólafsdóttir, à l’occasion de la manifestation « Cultures dHivers », une exposition de quatre artistes islandais, finlandais et norvégiens. Parce qu’il évoque pour tout un chacun l’isolement des grands espaces, la rigueur hivernale et qu’il semble garantir une authenticité culturelle, gage de tradition et de protection dans un monde ouvert et instable, le thème de la neige est « parlant », « imagé ». Cette exposition – reflet de préoccupations plastiques plus sensitives que conceptuelles – se veut toutefois l’occasion de dépasser ces schémas d’un folklore qui, pour n’être pas éteint, doit cependant s’adjoindre des réalités moins à même d’être diffusées par les brochures touristiques ou les pages internationales des grands médias.

Détachées d’un retour vers un passé mythique (tendance observée dans les terres scandinaves depuis le haut Moyen Age), les œuvres sélectionnées s’inscrivent dans une dimension réflexive de la création contemporaine. Celle-ci est mise en rapport tantôt avec les traditions ancestrales (Marja Helander), tantôt avec une nature enveloppante et comme divinisée (Pétur Thomsen, Harpa Árnadóttir), tantôt empreinte d’animisme (Rune Guneriussen). Cette omniprésence de la nature dans les considérations contemporaines – visible chez nombre d’artistes nordiques – prend une résonance particulière dans le contexte d’une nature fragile et aux ressources limitées, telle que les européens continentaux commencent à l’envisager.