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CHRONIQUES D’HÔPITAL - Simon Psaltopoulos

 
 
« Puisque j’ai la chance d’avoir mes deux jambes ». C’est avec cette appréciation de santé toute relative que Laurie Karp intègre en 2013, suite à un accident, un centre de rééducation fonctionnelle. Cette institution, située au sein d’un parc verdoyant parsemé de nymphéas jaunes, accueille des publics variés, dont le besoin varie d’une simple rééducation à la pose de prothèses complexes pour patients mutilés.     
Ce théâtre improbable, où sont cousus pêle-mêle unijambistes, manchots, patients intacts et personnels soignant dévoués, est le lieu de huis clos terribles où coups bas et éclats d’intolérance côtoient d’invraisemblables liens d’amitié et moments de joie.
 
En inscrivant le récit de cette parenthèse hospitalière sur des bandes Tensoplast, Laurie Karp réinvestit la douleur des étapes de rééducation. Elle rejoue lettre après lettre une violence sourde, affronte les non-dits, les pleurs étouffés, les angoisses de l’enfance ressurgies à la nuit tombée. Des fragments de texte sur fragments de peau, comme autant de tentatives de remembrement de soi.
 
En rupture avec certaines pratiques artistiques qu’elle a précédemment explorées, Laurie Karp s’extrait, avec Chroniques d’hôpital, de la forme fictionnelle. L’artiste explore un récit plus autobiographique en abordant frontalement un épisode de sa vie et en écartant la forme mythologique qui caractérise une partie conséquente de sa production. Certains motifs perdurent cependant. On retrouve ainsi celui du fragment, d’une forme plastique volontairement ébauchée, d’un héroïque quotidien à recoudre avec, pour fil, cette angoisse métaphysique qu’il nous faut tous surmonter.