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Audioguide - Aïda Bruyère

 
Aïda Bruyère, Les petites filles ont posé leurs fusils, 2023
Installation spécifique
Matériaux mixtes (moquette, tissu sérigraphié, papier sérigraphié, vidéo : 8’26”, impression sur aluminium)

Cette installation constitue le premier chapitre du projet Make Up Destroyers III, un film de science-fiction féministe que je vais développer lors d’une résidence l’an prochain, où des guérillères se battent dans un contexte post-apocalyptique inspiré par la crise sanitaire que nous venons de traverser. La figure de la guerrière y sera centrale, dotée d’une artillerie inspirée par les carcans de beauté féminins.

J’ai lu récemment le roman Les Guérillères de Monique Wittig qui m’a profondément marquée. Dans son livre, il y a une notion de calme avant la tempête, de calme avant la bagarre que j’ai eu envie de représenter dans cette installation introductive. On ralentit la cadence, on se retrouve avec nos pairs, nos proches, pour emmagasiner un maximum d’énergie afin de passer à l’étape d’après et faire face à l’adversité par la lutte.

Le visiteur entre dans le jardin d’hiver et est immergé dans une ambiance calfeutrée. Deux grandes mains et des morceaux de moquette l’invitent à se poser au sol. Des arbres sont projetés dans une vidéo sur un grand écran et leurs ombres sont imprimées sur une plaque d’aluminium installée à proximité.

J’ai filmé ces arbres la nuit à Bamako, au Mali, où j’ai vécu jusqu’à l’adolescence et où je me rends régulièrement. Le son de leurs feuilles m’a rappelé le frottement calme et doux du son du crissement des cheveux sous les ongles. Le grattage de cheveux que nous pratiquions plus jeunes avec des amies, un moment d’intimité et de douceur entre femmes, de sororité. Au lieu d’utiliser le son des feuilles, j’ai utilisé l’enregistrement de Thérèse qui frit du poisson.

Diffusé en boucle à travers des enceintes cachées dans la végétation du jardin d’hiver, il devient un fond sonore presque hypnotique qui transmet une sensation de calme, de temporalité suspendue. Un cri interrompt tout d’un coup ce calme, puis des bourdonnements laissent entendre l’arrivée de la tempête, d’une agitation qui précède l’action. On est dans une lisière abstraite. J’aime bien l’idée que cette pièce soit le sas avant d’entrer dans une exposition remplie de voix. Tout se joue dans une communication non verbale, de non-dits. Il n’y a rien de plus bruyant que le silence.