Les Lilas mode d'emploi, Tendance Flou
Cette mission s’est inscrite dans un projet plus vaste, « 93, Plus que jamais », construit depuis plusieurs années par deux photographes du collectif, Bertrand Meunier et Alain Willaume. Ils cartographient la vie séquano-dionysienne (en Seine-Saint-Denis) en évitant deux écueils médiatiques majeurs que sont, d’une part, l’idéalisation des banlieues et, d’autre part, le misérabilisme souvent accolé au « territoire le plus pauvre de France ». Car de richesses, ici, il est fortement question. Celles de rencontres humaines, mais également de territoires peu explorés et d’urbanismes insensés où s’agrippent ilots de verdure et amas architecturaux à la beauté géométrique ternie par l’habitude du regard.
D’une ville à l’autre, de grandes différences se font jour. Des similitudes aussi : l’accueil curieux et bienveillant des habitants, la surprise de rencontrer des photographes prenant pour sujet des aires oubliées, une banlieue vue par ses propres habitants, un point de vue modeste et noble à la fois. Les deux photographes ont travaillé pendant six mois sur le terrain avec quatre groupes de lilasiens, tous âges et catégories sociales confondus. Pendant cette durée, ils ont transmis un savoir-faire artistique et technique, mais ont aussi cueilli des paroles, photographies et objets présentés dans l’exposition.
Au fil du temps, quatre groupes de travail ont émergé : avec la résidence Voltaire, lieu de vie de personnes âgées ; avec les élèves de secondes 2, 5 et 6 du lycée Paul-Robert encadrés par leurs professeures Cécile Berly, Aurélie Verdier et Carine Galietti ; avec les adhérents de l’atelier Photo argentique Noir & Blanc du centre culturel animé par Sophie Delaunay ; puis avec les élèves de CM2 d’Ekram Ajji de l’école Paul-Langevin. Chacun à leur manière, ces groupes ont travaillé autour du livre de Georges Perec, La Vie mode d’emploi (ed. Hachette, 1978). Ils se sont appropriés le même principe d’une vue « en coupe », transposée à l’échelle de la ville. Objectif : offrir un instantané de la vie aux Lilas. L’investigation a suivi trois axes : celui de la singularité des habitants (par les portraits) ; celui de l’intimité (par les textes et photographies des intérieurs et des tranches de vie) ; celui du cadre de vie (par les vues des Lilas que l’observateur ne pourra s’empêcher de rapprocher avec perspicacité de celles, centenaires, liées aux célébrations du cent-cinquantenaire de la ville).
Point d’orgue du projet, l’exposition se déploie en deux points : l’espace culturel d’Anglemont accueille les photographies d’Alain Willaume et Bertrand Meunier, celles des lycéens, ainsi que celles des habitants de la Résidence Voltaire – et notamment d’André Sadoch. A l’espace Louise-Michel, une seconde partie accueille les photographies des élèves de l’école Paul-Langevin, ainsi que les tirages argentiques de l’atelier Photo du centre culturel. Des images de la réécriture permanente d’un « mode d’emploi » du vivre ensemble.