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STEVEN C. HARVEY

Artiste anglais vivant à Athènes, Steven C. Harvey place son œuvre sous le signe du détournement. Chacune des séries qu’il élabore est l’occasion de se confronter à un genre spécifique de l’Histoire de l’art.
Dans la présente exposition, la série des Angels réévalue ainsi la peinture d’Histoire, celle des Vehicles celui du paysage historique, tandis que celle des Old Age peut être observée comme une réflexion s’inscrivant dans la tradition du portrait académique bourgeois.

Les divinités masquées de la série Angels sont les combattants d’une bataille insensée où des forces grotesques s’affrontent entre des gratte-ciels, habituels symboles de notre « modernité ». Dieux et tours imposantes matérialisent en cela notre culte d’un « progrès » technologique, parfois démesuré dans ses ambitions et aveugle dans la violence de ses moyens.

Dans un même esprit, la série des Vehicles peut être observée comme une réécriture satirique du paysage historique. Le paysage, ample panorama où ne subsistent ni la nature ni la douceur atmosphérique généralement associées à ce genre, laisse place à l’omniprésence de l’acier et de l’intelligence artificielle. Cruauté et divertissement sont positionnés sur le même plan, sans filtre moral aucun. Les dépouilles animales qui côtoient les hommes jouent leur rôle de « ressource » dans le cycle de la machine, rien de plus.

Ce « décor » que met en scène Harvey (au sens cinématographique du terme, avec cadrage et éclairage dramatique) est caractérisé par un fonctionnalisme inutile. Dans la série Old Age, la vie semble prolongée sans fin grâce à la machine. Mais celle-ci, dans un apparent paradoxe, mutile brutalement les modèles représentés et ne saurait manifestement améliorer leur sort. Leur regard, sur lequel se concentre l’attention du dessinateur, est le dernier élément qui atteste avec certitude de leur humanité.