S’il tire son histoire de la rue, l’art « urbain » ne se limite pas à une forme unique exposée au grand air. Parfois rattaché aux graffitis de l’Antiquité (voire aux peintures pariétales préhistoriques), mais le plus souvent relié aux mouvements protestataires des années 1960, il investit volontiers les cours abandonnées, les entrepôts, les intérieurs privés voire les institutions. Après cinquante ans de pratiques sans cesse renouvelées, ses formes sont devenues innombrables et les artistes multiplient les supports et modes d’expression.

Nombre d’entre eux refusent ainsi l’étiquette unique de « street artiste », à l’image de Jason Botkin, né en 1974, à l’époque où, au Canada et aux Etats-Unis, les grandes villes intensifient les mesures répressives à l’égard des graffeurs. Diplômé de l’Alberta College de Calgary (Canada), Jason Botkin se fait connaître, après dix années d’une pratique dédiée au noir et blanc, par des peintures monumentales exécutées sur les murs de sa ville.

Les figures monstrueuses qui composent ses oeuvres sont aisément reconnaissables : puisant dans le contexte politique et social local (et en cela inspirées des muralistes mexicains des années 1930, tels Diego Rivera ou José Clemente Orozco), elles témoignent également d’une proximité avec l’esthétique expressionniste par leur folie et leur liberté colorée. Lévitant telles des divinités totémiques, ses figures isolées dans leurs cernes noirs emplis de couleurs, font fi des architectures rectilignes qui constituent son support de prédilection.

À l’espace d’Anglemont, demeure du second Maire des Lilas construite à la fin du XIXe siècle (le comte d’Anglemont), ces formes contemporaines nous interrogent aussi sur la relation de l’art à l’architecture : non plus celle de l’évacuation à l’extérieur d’une pratique « de rue », mais l’invitation à un libre dialogue des espaces historiques avec un art populaire. La thématique de la mixité et de la composition hétéroclite développée ici étant offerte à la contemplation de tous.