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JULIE LEGRAND, Le Funambole et le géomètre

S’inscrivant dans une lignée que ne renierait pas un alchimiste, Julie Legrand confronte avec ingéniosité l’inerte au vivant, l’artefact industrialisé au fragment prélevé dans la nature. Par ses explorations plastiques, elle délimite à la manière d’un géomètre les zones convenues de celles, sauvages, issues des entrechoquements de la matière.

La pluridisciplinarité qui caractérise son parcours, tout à la fois littéraire et artistique, trouve un écho dans des œuvres aux angles de lecture multiples, mais dont le dénominateur commun reste le verre – fil conducteur de cette exposition. Elle le travaille selon des modalités variées, allant du panneau industriel à la pâte brute coulée, filée ou soufflée : l’apparente fragilité de ce matériau est soumise à rude épreuve, avec l’intention grisante d’en sonder les limites. Finesse et translucidité entrent alors en concurrence sourde avec la résistance dense des roches calcaires ou des tuyauteries métalliques.

Bien qu’ils ne s’imposent pas de prime abord, les événements biographiques de l’artiste autant que l’actualité politique apportent un éclairage stimulant à la lecture des œuvres. Souvenir d’enfance I évoque ainsi, au bout de son austère potence, un trivial morceau de chair tranchée, motif mainte fois observé dans la boucherie familiale. Le verre carmin devient sang, liquide visqueux en résonnance lointaine avec les réflexions sur l’éthique animale. A ce parallèle, que d’aucuns préfèreraient limiter au Bœuf écorché de Rembrandt, s’adjoint d’autres récits originels, tel celui de Pierre noire, roche traversée de bulles de verre ébène, âmes errantes et souffrantes faisant allusion aux attentats du journal Charlie Hebdo.

Le funambulisme de Julie Legrand transparaît dans son goût pour les jeux d’équilibre. Il offre, d’une œuvre à l’autre, de surprenantes transitions, allant d’installations monumentales flirtant avec le Land art, à de précieuses pièces aux accents d’icônes byzantines.